lundi 31 décembre 2007

Indignation d'historiens


Virginia Woolfe représentée en Clio, muse de l'Histoire, au National Gallery of Art de Londres

Pour mesurer le gouffre de l'ignorance culturelle des habitants de notre belle province, je vous invite à lire un article paru dans le Soleil et sur le site web de La Presse; "Les Québécois mélangent Champlain et Cartier".

Après avoir pris connaissance des statistiques révoltantes concernant la méconnaissance historique de notre population, il a fallu que je partage cela avec mon amoureux, qui je le savais, s'indignerait autant que moi. À deux, nous avons constaté qu'un TROP GRAND pourcentage de Québécois vivaient dans l'hébétitude totale quand on leur parlait des dates fondatrices de notre Histoire.

Je reviens de la France, où, sans avoir un savoir parfait et absolu, les gens semblent avoir assimilé davantage d'informations sur leur passé que nous ne l'avons fait. Quelques années charnières, 1515 (Marignan), 1789 (la Révolution Française), 1799-1815 (Napoléon), les deux grandes guerres, et évidemment, j'en passe car je ne connais pas le cursus français et je ne sais pas à quel point ils mettent l'emphase sur les règnes des rois, les années des 5 républiques, etc.

Chez nous non plus, on en a pas des tonnes à retenir. Disons que 1492 (Colomb), 1534 (Cartier), 1759 (la défaite des plaines d'Abraham) pourraient, sans suffire, aider à tout le moins les pauvres Québécois à se rappeler d'où ils viennent et ce qu'ils font sur ce continent plutôt que sur l'autre. On pourrait y ajouter la révolte des Patriotes (hey, une chance qu'il y a un film pour nous dire que c'est en 1837-1838!), la Confédération qui crée officiellement le Canada en 1867, puis on fait le voeu pieux que tous pourront dire que la 1ere guerre mondiale est de 1914-1918, le crash boursier en 1929, et la deuxième guerre mondiale de 1939-1945.

Bon est-ce que c'est une montée de lait d'historienne que je fais là? Je reconnais que moi-même j'avais des petits doutes sur la Confédération, de même que sur l'année de la fondation de Montréal par Maisonneuve en 1642 (je confondais avec la fondation de Trois-Rivières en 1634). Je vous invite à consulter la petite (haha!) page de Wikipédia sur le Canada, ça rafraîchit la mémoire.

Ce contre quoi je m'insurge, c'est que pour le 400e de Québec, 4% des gens pensaient qu'on commémorait la Révolution Française... faisons un calcul, 1608 plutôt que 1789, ça fait presque 200 ans de différence, NON?? 4% des gens, s'ils ont consulté 1000 personnes, ça fait 40. Eille, QUARANTE TWITS PROFONDS. D'où est-ce qu'ils sortent eux???

Et attention... 25%%%%, donc DEUX CENT CINQUANTE PERSONNES pensent que c'est l'arrivée de Jacques Cartier qu'on commémore cette année. Tabouère! Ça fait beaucoup qui ont pas retenus leurs dates!

Et presque 20% des Québécois, un CINQUIÈME de la population de la province, pensent que c'est la défaite des plaines d'Abraham qui a marqué la fondation de la ville de Québec...eille, elle était déjà là la ville, si les Anglais l'ont prise. On s'est pas battu pour un bout de plaine vide!

On dit que ce sont majoritairement les jeunes de 18 à 24 ans, les anglophones et les allophones qui ont eu le plus de difficulté à répondre aux questions concernant le 400e. Pour les anglophones, ce n'est pas trop une excuse, ils vivent ici aussi...mais, en faisant simplement une supposition (car je l'avoue, je n'en sais rien!), peut-être que leur éducation à eux, dans les écoles anglophones, a été davantage axée sur l'histoire du Canada dans son entier, alors que pour nous l'histoire du reste du Canada demeure un grand mystère (et même pour moi, après deux cours universitaires.... durant lesquels je somnolais pendant que mon prof nous parlait du développement du réseau ferroviaire à travers le Canada, en nous pitchant des chiffres sur les kilomètres de rails dans différentes villes à différentes époques...rrrrrroonffffffllleeeeeee).

Pour les allophones... s'ils sont allophones, donc peut-être pas nés ici... 1608 ne veut probablement rien dire pour eux. Ne me demandez pas les dates charnières de l'histoire d'Angleterre, à part le tranchage de tête du roi Charles Ier en 1648 (les premiers régicides, bouhouhou!), je ne pourrais dire.

Mais pour les jeunes... dammit!!!! Je veux bien croire que les cours d'Histoire au secondaire sont plates, je suis la première à le dire, je m'emmerdais profondément dans mes cours d'Histoire de secondaire 4, celui où la prof n'arrêtait pas de nous dire "les fourrures, mes amis, les fourrures!" Mais il faudrait faire quelque chose! Ya moyen de rendre l'histoire intéressante!

J'ai rencontré des profs plates, des profs endormants, des profs qui ne s'intéressaient pas aux mêmes choses que moi, des profs aussi qui avaient peur de donner des dates à leurs étudiants, pour ne pas les "traumatiser" (et ça, c'était au cégep, pas au secondaire!!).

J'ai rencontré aussi de futurs professeurs d'histoire à l'université. Ceux qui font un baccalauréat en enseignement de l'histoire au secondaire ont selon moi une bonne formation en pédagogie, mais une formation inadéquate et incomplète sur l'Histoire. On forme des pédagogues (et là je n'embarquerai pas sur la piètre qualité de leur français écrit, parce que je serai encore à chialer dans 2h), et non des historiens. Évidemment, tous les profs d'histoire du secondaire n'ont pas à savoir comment faire une analyse approfondie d'un sujet bien pointu, ni même de savoir comment construire une argumentation articulée à voix haute pour la partager avec ses confrères et consoeurs.

Ce que ça fait? Au secondaire, on se retrouve souvent avec des gens qui trippent enseignement et contact avec les jeunes esprits en plein épanouissement, mais qui ne sont pas assez "savants" dans la matière qu'ils enseignent (bacc en enseignement de l'histoire; 2 ans de pédagogie, un an d'histoire, un an de géographie...pfff). À l'université, au contraire, la majorité sont des détenteurs de doctorats et de post-doctorats en histoire, et sont donc des chercheurs, rats de bibliothèques associaux, qui sont obligés d'enseigner pour voir leurs recherches subventionnées.

Entre les deux, on a les profs du cégep, parfois libres penseurs qui en avaient marre du carcan de la petite communauté historienne universitaire et qui ont décidé de développer leur savoir en-dehors de l'université. On a ceux qui ne peuvent endurer les ados dans l'âge ingrat, et qui ont donc décidé de pousser un peu leurs études pour enseigner aux plus vieux. On a ceux qui ont pas eu les couilles de faire un doctorat (4 ans de plus, over my dead body!!!). On a ceux qui auraient voulu avoir une carrière en politique, dans les musées, dans les institutions culturelles, et qui n'ont pas trouvé parce que le Québec n'est pas très fort sur la promotion de sa culture (hey, je vous rappelle les pourcentages ci-dessus, j'espère que ça ne vous surprend pas!).

Il y a aussi ceux, et si je ne suis pas sûre d'en être, je sais que mon copain en est, qui ont eu envie de pousser la démarche historique le plus loin possible, et qui veulent maintenant partager leur passion avec les autres. Donner le goût aux jeunes de s'interroger sur leur passé, sur ceux qui étaient là avant eux, leur donner les outils pour comprendre notre monde actuel, comprendre les problématiques et les conflits internationaux par l'Histoire, ça, je trouve que c'est une belle mission. Pour ça, il faut être un minimum pédagogue, et je ne suis pas encore sûre de l'être. "Je me tâte", comme diraient les Français. Mais ceux qui ont ce don sont, je crois, le petit espoir qu'il nous reste de voir la jeune génération s'intéresser à son passé, créer des citoyens responsables et sachant ce qui se passe à l'extérieur de notre petit quotidien, des 50km carrés qui forment l'essentiel de notre vie. Les sensibiliser à l'Autre, qu'il soit passé, présent ou futur.

Voilà ce que l'historienne au fond de moi souhaite ardemment.

Alors, c'est pas beau, l'Histoire?

8 commentaires:

Beo a dit…

C'est bien beau écrire mais franchement... je t'ai plutôt"entendue"!!!

Je suis bien d'accord avec toi. Il me semble que même ceux qui ne sont pas vraiment intéressés par l'Histoire pourraient faire un petit effort quand arrive un événement comme le 400e de Québec.

Un genre de petite révision genre...

Moi j'ai toujours peur de ne pas donner la bonne date si on me questionne mais en général je sais le fond de l'histoire au moins.

Puis un minimum de logique indique que OUI la ville de Québec existait avant la bataille des Plaines, on peut même affirmer que Montcalm avait des canons, hu hu!

Bonne année à vous deux!!!

Anonyme a dit…

C'est vrai que les cours d'histoire sont plates. Si les profs auraient le temps, je crois qu'une bonne façon d'intéresser les jeunes à leur histoire serait de leur faire faire quelques recherches généalogiques reliées à leur nom de famille. A travers les dates ils pourraient s'intéresser à l'histoire de leur ancêtre, essayer de les faire revivre par une histoire qui se tiendrait, en rapport aux façons de vivre de l'époque. Bon, je sais que j'en demande pas mal. Mais moi c'est de cette façon que j'aurais aimé l'apprendre. Je le fais par moi-même, maintenant que j'ai le temps, rendue à 50 ans. Mais mieux vaut tard que jamais!

Tania a dit…

@ Beo: bon je suis peut-être allée un peu fort dans mon indignation...*hahaha* Comme chaque passionnée d'un sujet, je considère que mon domaine est super important et devrait être su et connu de tous... ;o)Mais bon au moins je vois que c'est partagé à divers degrés ;o) Les dates précises, ce n'est pas si importants; dans mon cas, ça me permet surtout de situer chaque événement par rapport aux autres. C'est ce que devrait globalement retenir les gens; une chronologie. La ville de Québec a été créée avant celle de Montréal, après la découverte du Québec, et bien avant les révolutions de nos voisins américains et outre-atlantiques.

Ça éviterait une certaine confusion... ;o)

Bonne année à toi et ta famille aussi!

Tania a dit…

@ Maman: c'est pas une mauvaise idée... il faudrait qu'ils fassent quelque chose du genre par contre vraiment jeunes, par exemple au primaire, selon moi. Amener une photo ou un objet ayant appartenu à plus haut dans leur arbre généalogique que leurs grands-parents... Tiens, ça me fait justement me rappeler qu'au primaire j'avais dessiné un arbre généalogique; et ça a eu du bon, pour me rappeler que mon arrière-grand-père maternel maternel s'appelait Omer! (si je ne me trompe...*hum*) Et mon arrière-arrière-grand-père paternel paternel, Napoléon! Mais à cette époque, on devait être trop jeunes pour qu'ils relient ces noms à des dates et des événements... ça devrait être un projet "évolutif", qui évolue donc d'une année à l'autre au primaire. Les jeunes seraient donc sensibilisés assez tôt pour être attentif à la matière qu'on leur enseignerait au secondaire! Moi, ça m'impressionnait de soudain réaliser que mon arrière-grand-père, encore vivant, avait vécu lors des 2 guerres mondiales et du crash boursier! Il avait passé à travers le siècle au complet! C'est fascinant! Et soudain, je ne voulais plus savoir comment le monde l'avait vécu, je voulais savoir comment ça se passait dans son village, comment le Québec campagnard avait été affecté par ces grands événements.

Ouais...je me vois déjà écrire au ministre de l'éducation... ces ministres-là ont toujours besoin de conseils, girouettes comme ils sont...

Le Voyou du Bayou a dit…

Je pense que ces gens qui ne connaissent rien méritent de mourir.

Non sérieusement, c'est pathétique tout ça. Mais je pense que plus pathétique encore que les connaissances historiques, c'est la capacité qu'ont les gens à faire de l'introspection, à réfléchir sur eux-mêmes.

Tsé, y'a beaucoup de gens vraiment limités. S'ils n'en ont rien à branler de se remettre eux-mêmes en question, à savoir où ils s'en vont, la signification de la vie, etc, j'ai l'impression que le fait de retenir 1608 comme date les laissent plus qu'indifférent.

À la méchante radio CHOI de Québec, ils font un calendrier de pitounes et pour les entrevues, ils posent des questions aux filles qui veulent être sur le calendrier. Si t'entendais ça, tu capoterais! On est pas mal loin des 1492 ou 1534. On est dans la grosse base de la culture générale et les gens trouvent le tour de s'enfarger royalement! En vérité je te le dis ma chère Tania, le monde s'en va droit dans une abysse.

Tania a dit…

@ Voyou: effectivement, il semble y avoir des gens qui ne sont pas curieux des choses qui les entourent, et qui peut-être en même temps ne cherchent pas à tirer le meilleur de ce que la vie peut leur offrir de connaissances et d'enrichissement (je parle ici au niveau intellectuel avant tout). C'est quelque chose que j'arrive difficilement à comprendre, puisque je suis obsessivement avide de nouvelles connaissances. Réaliser tous les jours que je n'arriverai jamais à fouiller "à fond" tous les mystères, tous les sujets qui m'intéressent... ça me rend malade! Le pire, c'est dans une librairie. Tout m'interpelle. Je parcours les rangées et je voudrais ouvrir tous les livres, les lire d'une couverture à l'autre, me gaver de savoir... Humm..c'est grave ;o) Mais je préfère ça au silence radio qui semble régner dans la tête de...mettons... les candidats de Loft Story...*hahahah* Le pire, c'est qu'ils semblent les sélectionner exprès pour leur stupidité... ya jamais personne d'intelligent là-dedans, c'est pas vendeur les discussions philosophiques! On veut des niaiseries!!! Et c'est assurément aussi pour cela qu'à CHOI ils interrogent des pitounes qui ont passé trop de temps dans leur adolescence à s'occuper de leurs cheveux plutôt que de ce qu'il y avait en-dessous (bon, je deviens virulente, je m'arrête, sinon je vais être aussi fataliste que toi!!! MAIS BON MON POINT, c'est qu'il y a sûrement un moyen quelque part dans les écoles de piquer l'intérêt des enfants sur ce qui les entoure, et de toutes les connaissances qui sont à leur portée. Entk, moi, avec mes enfants, je le ferai. Je vais commencer par là. Ce sera déjà ça de fait. Ouf. Mais j'aimerais que mon "idéal" s'étende à plus que 2 jeunes...*hahaha*)

Rosie a dit…

Bravo Tania pour ta montée de lait. Je suis entièrement d'accord avec toi.

Déjà avant le début des fêtes du 400ème de Québec, plusieurs disent qu'ils sont tannés d'en entendre parler, il ne sont pas intéressés à leurs origines, leurs cultures, d'où ils viennent et de qui ils descendent.

Je crois te l'avoir déjà dit, sinon, je te le redis, ma fille Myriam, a fait son cours (bac en histoire à l'université Laval), elle enseigne l'histoire à Toronto. J'étais une passionnée de l'histoire, je lisais beaucoup là-dessus, ce qui a intéressé ma fille aussi, alors, elle s'est dirigée vers des études d'histoire.

Elle poursuit présentement à Toronto, sa maîtrise en histoire, je lis souvent de ses recherches et j'aime beaucoup.

P.S: J'aurais quelque chose à te demander, je suis une lectrice assidue de Tangerine, elle m'a laissée un message sur mon blogue, me demandant mes coordonnées de mail afin que j'obtienne ces coordonnées de blogue, car il est privé maintenant. Le même jour quand je suis allée sur son blogue pour lui donner mes coordonnées, il était déja privé. J'ai laissé mes coordonnées de mail, dans les commentaires de mon post où elle me les demandait. Je n'ai toujours pas reçu de ses nouvelles, je crois qu'elle n'a pas vu mon message dans mes commentaires. Pourrais-tu s.v.p. lui transmettre mes coordonnées:

rogag7@hotmail.com

Merci, ma belle j'apprécierais.

Bon samedi et bisous.

Tania a dit…

Bonjour Rosie!
C'est vrai, je me rappelle maintenant que tu m'avais dit que ta fille avait fait des études en histoire..mais je ne savais pas qu'elle avait poursuivi à la maîtrise... elle enseigne à quel niveau à Toronto? Parce qu'au Qc, impossible d'enseigner au secondaire si on a pas un bacc spécialisé en **enseignement** de l'Histoire... et pour enseigner au cégep, vaut mieux avoir une maîtrise... Mais il n'y a pas de cégep à Toronto..alors? ça m'intrigue, qui sait, s'il y avait plus de possibilités d'emplois à Toronto! (quoique Toronto n'a jamais soulevé de passions pour moi ;o)). Elle fait ses recherches sur quel sujet? Pour fouiller à Toronto, fait-elle des études sur l'histoire canadienne?
Je crois que ma mère a aussi eu une influence sur mon choix d'études, indirectement... elle s'intéresse beaucoup à ses ancêtres, ce qui en fait, est de l'histoire au premier degré, et au niveau le plus personnel... Et elle a toujours été ouverte sur ce qui se passait ailleurs et avant... C'est peut-être pas le domaine dans lequel mes parents auraient voulu me voir performer, mais je les remercie tout de même des efforts qu'ils ont fait pour que je me rende jusque là...;o)

Pour le reste de ta demande, je pense que c'est réglé ;o)

Bonne fin de dimanche! (ce que les w-e passent vite!)