mardi 18 décembre 2007

Londres...l'Eldorado? (ou: "l'obligation d'être une fourmi")


Je vous ai déjà décrit en long et en large mes déboires visant à me trouver un emploi à Londres.

Ça n'a vraiment pas été de tout repos, et plusieurs fois j'ai eu envie d'envoyer promener les gens qui dédaignaient ma candidature; "We're sorry, but you haven't been successful this time". I AM SUCCESSFUL, DAMMIT!

Puis j'ai trouvé un travail, et j'étais folle de joie à l'idée de pouvoir enfin faire quelque chose de mes journées, gagner de l'argent qui me permettrait de payer ma part du loyer, de m'acheter des vêtements sans avoir l'impression de le faire sur le bras de mon chum, et économiser pour voyager en Europe. Enfin, on aurait du "lousse"!

Mon salaire était plus bas que mes attentes (j'allais dire expectations, quel anglicisme!), mais il nous permettait enfin de vivre convenablement. Après autant d'années d'études, j'entrais enfin sur le marché du travail pour m'épanouir et prouver au monde entier tous mes talents et mes capacités.

Eh bien, comme plusieurs venus à Londres la tête remplie de rêves de richesse et d'épanouissement personnel, je suis un tout ptit peu déçue. Mes deux colocs polonais d'au-dessus travaillent au salaire minimum à faire des ménages, l'une au stade, son mari dans une école. Elle est biologiste, il a des études en philosophie (bon ça n'aide pas comme sujet, surtout qu'il n'a pas terminé, mais tout de même!). En Pologne, ils s'étaient acheté un pub, dans un quartier étudiant, mais la chance n'a pas été de leur côté; ils devaient attendre d'avoir le droit d'ouvrir leur pub, pendant ce temps ils sont venus "essayer de faire un coup d'argent en Angleterre" (quelques mois seulement...hey, une livre sterling vaut 7 fois leur monnaie polonaise!). Mais quand le pub a eu l'autorisation d'ouvrir, ils étaient encore ici, et ont laissé la gérance à un bon ami...qui a tout dépensé. Ils ont envoyé leurs économies de Londres à l'ami, qui a dépensé jusqu'à la dernière pièce. Ils ont dû vendre le pub, qui aurait sûrement marché s'ils avaient eux-mêmes été gérants, et leurs économies d'une année se sont envolées... ils pensent donc rester un an de plus à travailler pour un salaire de misère, dans un appart à 500 livres sterling la chambre, avant d'avoir assez d'argent pour retourner en Pologne et peut-être se repartir en affaires...

Mes autres colocs, dont une qui a un diplôme en ressources humaines, l'autre qui travaille de nuit dans un hôtel à faire les caprices de la clientèle, et un ami de la première qui a un bacc en finances ou je ne sais quoi, font tous le même salaire que moi. Et moi qui passe mon temps à me plaindre que j'ai un salaire poche! Mais qu'est-ce qui se passe ici?? Au Qc, on sait qu'une job de réceptionniste peut permettre d'avoir un salaire de base de 25 000$. En tant que téléphoniste chez Desjardins, je gagnais plus que ça... Ici, être réceptionniste, ça commence à environ 7 livres sterling de l'heure. Parfois un peu moins. Ce qui veut dire que le salaire de base peut descendre aussi bas que 10 000/année. Là-dessus, même si la nourriture est souvent moins chère qu'au Canada (si on compare seulement le prix sans la monnaie.... genre une pizza congelée medium à 1 livre, du vin à 3 livres ou du filet de saumon pour 2 personnes à moins de 3 livres... Mais les loyers sont exhorbitants! Comment quelqu'un qui fait 10000 par année peut se permettre une chambre, je n'en ai aucune idée.

Je crois que c'est l'offre. Il y a trop de chercheurs d'emplois ici. Même les jobs minables peuvent se permettre de faire la fine gueule et trier les employés sur le volet, parce qu'il y a tellement de gens qui viennent d'Europe de l'Est qui sont prêts à accepter n'importe quoi... un peu comme les Mexicains qui travaillent dans nos champs dans des conditions minables. Alors pour les bonnes jobs.... pfff. Juste pour vous dire, ici, 30 000 livres, paraît que c'est un foutu bon salaire. Même le gars qui travaillait à l'ambassade du Canada m'a averti que de trouver une job à ce salaire-là, fallait se battre et avoir des qualifications hors-pair... ein??? Il disait que même lui, à l'ambassade, rêvait encore d'un salaire et d'un poste intéresssants... Arg!!!

C'est comme s'il n'y avait pas de demi-mesure.... je vois des postes affichés à 12 000, puis 14 000, 20 000 souvent, quelques 25-28 000... puis...ça passe aux 50 000 en montant. Les emplois qui offrent entre 30 et 40 000 ne semblent pas exister...

Bon d'accord, la livre sterling vaut plus que toutes les autres monnaies environnantes. Si on va en Europe pour voyager, notre livre sterling vaut 1,5 euros environ. Les économies que je ramènerai au Canada vaudront pour le double... Mais en attendant, j'ai commencé à calculer un budget, et c'est franchement pas la joie. Londres est réputée comme la capitale des gros sous et des requins de la finances.... Eh bien, il semble qu'il faut avoir étudié en finances, et même bien plus que ça pour se démarquer...

Guillaume est franchement chanceux de faire le salaire qu'il fait, pour le peu d'heures qu'il travaille... au pro-rata, il fait un méga salaire ;o) Mais... il ne se sent pas toujours utile, et ça, ça peut être démotivant à la longue...

Moi, je travaille pour des workaholics complètement folles. Hier je ne me sentais pas bien, les nausées, les crampes dans l'estomac, des faiblesses... Et puis j'avais mon meeting du samedi (oui, elles avaient planifié un meeting un samedi soir, 18h!! ÇA VA PAS??) qui était reporté à ce jour-là...donc en plus de ne pas me sentir bien, ma journée de travail allait s'étirer au moins jusqu'à 7h, mais plus probablement 7h30, pas à la maison avant 8h30... aaarg.. Je tiens comme je peux, et puis à un moment j'en peux plus, je réalise que je n'ai pas envie de prendre mon break de dîner parce que je n'ai pas faim, alors je vais voir l'assistante de ma boss (ma boss étant entre l'hôtel et l'hôpital, puisqu'elle est entre 2 opérations pour son cancer... mais elle continue de nous appeler 5 fois par jour et d'organiser des meetings dans sa chambre d'hôtel!!) et je lui dis que je n'en peux plus, chaque fois que je tousse (j'ai la grippe en plus) j'ai l'impression que je vais vomir...Alors je lui offre un compromis très intéressant pour elle, je skip mon heure de dîner et je reste jusqu'à 4h...j'ai pas dit "je m'en vais je ne me sens pas bien", j'ai dit "je vais faire toute ma journée de travail, mais puisque je n'ai pas faim je partirai une heure plus tôt".

Elle me regarde d'un air scandalisé, comme si le tonnerre allait me tomber dessus: "Je ne pense pas que la boss va vouloir, faut que tu sois au meeting". Je lui dis que je n'en suis pas capable et que je veux rentrer chez moi...elle approuve à contre-coeur.

À peine 15min plus tard, une autre de nos collègues, que je n'ai vu que 2 fois parce qu'elle vient nous donner un coup de main sporadiquement, vient me voir et me dit: "On vient de parler à la boss, elle est vraiment, vraiment fâchée, il FAUT que tu sois au meeting, elle retourne se faire opérer et elle a besoin que son administratrice sache quoi faire et soit au meeting pour le savoir". Au bord de l'agonie, j'accepte, puisqu'il semble que de toute façon, je n'aie pas le choix.

Je pars me chercher une soupe sèche dans laquelle on met de l'eau chaude, en me disant que c'est la seule chose que je risque d'être capable de garder. Finalement, je n'ai pu qu'en manger la moitié, tellement le coeur me levait. Le reste de mon break, je l'ai passé couchée la tête renversée sur ma chaise, en attendant que l'heure passe.

Puis à 4h30, après avoir parlé à ma maman (évidement, les mamans prennent toujours votre côté, c'est ça qu'il y a de bien, toujours là pour prendre votre défense ;o)) qui m'a convaincu de foutre le camp et de les envoyer promener (elle a dit ça plus poliment, évidemment...elle a de la classe ma mère ;o)), je retourne dans le bureau voir l'assistante, et je lui dis: "ça suffit, je sais pas s'il faut que je vomisse devant elle pour qu'elle me laisse partir, mais vous direz à ma boss que je n'en peux plus, je retourne chez moi, je ne vais pas au meeting." Avec un petit air pincé, elle me dit "alors faudra l'appeler toi-même pour lui dire".

Je retourne en maugréant dans mon bureau, en me disant que franchement, je suis probablement la seule saine d'esprit qui travaille à cet endroit... J'appelle ma boss, et étonnemment, elle a l'air compréhensive, elle me demande ce que j'ai (je lui répond que j'arrive plus à avaler ma propre salive tellement j'ai mal au coeur, je pense que c'est assez évocateur), elle me dit qu'elle espère que j'irai mieux, de prendre soin de moi... Tout d'un coup, je me mets à douter, je me demande si l'assistante et l'autre ont pas monté une histoire selon laquelle ma boss serait fâchée, pour que j'aille à la réunion quand même.... Bah tant pis, on s'en fout, tant que je peux partir.

Le trajet du métro, qui me prend au moins une heure et quart au retour, m'a paru une éternité. Par chance, j'avais un siège assis, mais malheureusement, il y avait une chaufrette qui marchait à toute puissance en-dessous. C'est bien, normalement...Mais pas quand vous avez la nausée, que vous comptez avec désespoir chaque station de métro, et que le train bouge de manière cahotique et dégoûtante...

3 stations avant la mienne, je tente d'ouvrir la petite fenêtre à côté de moi, parce que mon malaise empire... Je n'y arrive pas, et les 2 filles à côté de moi ne bougent pas....Finalement, je me décide à ouvrir la bouche (en fait, c'était ce qui me retenait depuis un bout de leur demander, j'étais sure que de desserrer les machoires allait être fatidique), et je demande à la femme à côté de moi de m'aider parce que je ne me sens pas bien. Je vois la peur dans ses yeux; elle craint que je lui dégobille dessus, et me dit que je devrais peut-être sortir du train dans ce cas-là...Mais il ne reste plus que 2 stations, j'y suis presque, et je sais que mon train se rend jusqu'à ma station; les trains suivants, si je sors de celui-là, pourraient s'en aller dans une autre direction et sauter ma station, comme ça arrive une fois sur trois.

Moins de 3 minutes plus tard, ça y est, ça tourne, j'ai une bouffée de chaleur et je vois à peine en face de moi. Je me lève précipitamment, sûre que c'en était fait, j'allais être malade devant tout le monde en plein milieu d'un wagon de métro (l'horreur... on a tous peur que ça nous arrive ou qu'on voit quelqu'un être malade....ark). Je me rends au plus proche de la porte, mais malhereureusement pour moi, nous sommes entre 2 stations, et la distance entre les 2 est une des plus grandes de mon trajet; environ 7 minutes. Je m'asseois par terre devant la porte, mon sac de plastique dans les mains, essayant de respirer le plus calmement possible, et de recouvrer la vue avant de tomber définitivement dans les pommes...

Finalement, arrivée à la station suivante, je me sens suffisamment remise pour attendre ma station, la prochaine. Me lever n'a pas été facile, marcher encore moins. Je marchais comme une zombie qui se demandait si son estomac lui jouerait un tour à tout moment.... dégoûtant.

Sortie de la station, un vent glacial m'attendait... et pas d'autobus (qui fait au moins la moitié du trajet à pied... 7min de moins à marcher, ça fait plaisir dans ces circonstances-là...). J'ai finalement pris un taxi, aussi appelé "mon sauveur", qui m'a mené à la maison en moins de 2 minutes pour un petit 5 pounds...

Puis je me suis effondrée dans mon lit, au chaud (mais pas trop) et aux soins de mon copain...qui par gentillesse m'offrait plein de choses à manger puisque je n'avais pas mangé quelque chose de consistant depuis 7h30 le matin. Je lui ai dit d'arrêter de me parler de patates pilées et de petit pois (en essayant très fort d'oublier que bientôt ça sentirait peut-être le bon filet de porc dans la chambre... et que mon estomac n'aurait pas été d'accord).

J'ai été prise de giga-frissons toute la soirée, ayant chaud mais trop froid pour sortir du lit... Et ce matin, j'ai laissé un message à l'assistante pour lui dire que je prenais une journée off. Je n'ai plus mal au coeur, mais j'ai encore des crampes d'estomac que d'ailleurs je ne comprends pas trop.

Et demain, je vais leur annoncer que quand je dis que je ne peux pas terminer la journée parce que je ne me sens pas bien (ce qui arrive très, TRÈS rarement), que je suis sérieuse, et que je ne reste pas une seule minute de plus dans le bureau. Si elles sont envie de se tuer à la tâche, ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais travaillé dans un endroit qui m'empêche de rentrer à la maison alors que je me sens aussi mal (et avec 1h30 de plus avant d'être rendue dans mon lit!!). Des endroits où je me suis dit : allez, tiens encore un peu, c'est presque fini, allez! Oui, ça oui, parce que tant qu'à être au bureau, aussi bien terminer sa journée. Mais quand j'en avais assez... c'est la première fois qu'on me dit qu'on s'en fout et que je dois endurer... Gang de malades. Faut tous jouer les superhéros parce que ma boss en est une. Je veux l'aider et faire de mon mieux, et je l'admire parce qu'elle travaille tellement fort... mais je la plains aussi, parce qu'elle n'a pas de vie. Et l'assistante non plus. Les deux travaillent jusqu'à 11h le soir, parfois même ma boss reste jusqu'à 3h du matin, et évidemment, elle est là à 6h le lendemain...

Je commence à en avoir marre de me sentir coupable et paresseuse parce que je ne veux pas faire d'overtime sans être payée (eh oui, l'overtime est accumulé pour avoir des journées de congé, mais étonnamment, ya personne qui les compte, mes heures d'overtime! Aussitôt faites, aussitôt oubliées!).

Je ne sais pas si je devrais chercher pour autre chose... *soupir* J'ai pas envie, mais... Arf.

5 commentaires:

Pur bonheur a dit…

Cours de ce pas t'acheter un test de grossesse. Ça tombe bien l'hiver je suis moins occupée et je pourrais commencer à coudre de jolis petits pyjamas à pattes!! J'ai encore les patrons que j'utilisais quand je t'en confectionnais :D.
Si c'est pas ça, boooooooonnnn beeennnnn prompt rétablissement. Reposes toi mon bébé.

Tania a dit…

Maman, pas des farces à faire. ;o) Va falloir que tu patientes encore un peu avant d'être grand-mère, "désolée" ;o) (t'es encore pas mal jeune de toute façon pour être grand-mère).
Bon. J'ai dit.
(Pourquoi dès qu'une fille qui a un chum a mal au coeur, tout le monde la regarde d'un drôle d'air avec la question pendue au bord des lèvres "est-ce que tu serais enceinte?" grrr.. le fun de faire paniquer qqun pour rien!!).

Anonyme a dit…

Ce n'est vraiment pas intéressant d'être malade comme ça, mais le pire, c'est de l'être loiiiiiiiiinnnnn de la terre natale, de son vrai chez-soi, du foyer paternel (et maternel!...).

Le meilleur passage de ton "p'tit" billet, selon moi: "...l'autre qui travaille de nuit dans un hôtel à faire les caprices de la clientèle...". Savoureuse paraphrase "politiquement correcte", gentille... tout en nous permettant d'en saisir très bien le véritable sens... :-))

Pour la grand-mère, j'en ai déjà connu une il y a plusieurs années qui n'avait pas 35 ans!... :-))

Prends soin de toi! Bonne chance!

Tania a dit…

@ Jean: *hahahah* très drôle, ce que tu as compris sur le gars qui fait les caprices des clients à l'hôtel...pourtant, ça se résume plutôt à acheter des billets de spectacle ou de sport, dormir à son bureau et écouter des films toute la nuit... Toutes des activités très chastes ;o)
(PS: j'ai connu une grand-mère de 32 ans, heureuse comme tout que sa fille ait son premier enfant au même âge qu'elle, 16 ans...brrr.)

Anonyme a dit…

C'est quoi ta job Tania, je en comprend pas tout, et en plus ne dit pas que les études en philo ne sont pas utiles, je pogne en tabernak à cause de cela.
a plus
Etienne de la mec
je me mets anonyme je ne sais pas trop comment ce marche la connection et tout cela