La veillée avait été difficile, alors le réveil l'a été d'autant plus. Nous avons quitté l'appartement assez tard (because les roesti devaient être dégustées avec soin), vers 13h. Nous voulions visiter l'Opéra en matinée, mais encore une fois, cette visite a été reportée au lendemain (pas pressés les touristes, paaas pressés, c'est bien la seule ville où nous n'avions pas la rage de tout voir, et c'était parfait comme ça, pour s'adapter doucement au voyage).
Il y a un endroit que je souhaitais visiter depuis ma première visite à Paris. En fait, avant même de mettre les pieds pour la première fois en France, j'y pensais déjà. Ça allait de soi, avec le "pélerinage à la Louis XIV" à Versailles (que j'ai visité 3 fois ;o))
Et j'ai nommé: La Basilique Saint-Denis, nécropole des rois et reines de France.
Située en banlieue nord de Paris, à une bonne heure du centre, il faut vraiment tenir à y aller, parce qu'il n'y a pas grand chose d'autre à faire dans le coin.
La Basilique St-Denis a été nommée ainsi en l'honneur de saint Denis (wow je vous en apprend des choses, ein?), premier évêque de Paris (Lutèce), venu d'Italie vers 250 pour évangéliser la France. Il aurait été décapité suite à la répression romaine anticatholique vers 272, à Montmartre. De là, la légende veut qu'il se soit relevé (oui oui!), qu'il ait pris sa tête, et qu'il l'ait porté sur 6 kilomètres, vers le nord, jusqu'à ce qu'il rencontre Catulla, une femme de la noblesse, et qu'il lui remit sa tête. Une fois son "fardeau" légué, son corps s'effondra, et on l'enterra à cet endroit précis. C'est là que Sainte Geneviève au Ve siècle construisit une église, puis en 630 on y mit à l'abri le corps de Saint Denis. À travers les siècles, la basilique évolua, et particulièrement sous l'influence et les géniales idées d'innovations architecturales de l'abbé Suger (XIIe siècle).
Dagobert fut le premier roi à y être enterré, mais c'est à partir du premier roi Capétien, Hugues Capet (mort en 996), que la basilique devint la nécropole officielle des rois et reines de France. C'était là qu'était rangée l'oriflamme (bannière servant de ralliement) en attendant la prochaine guerre ou croisade. Finalement, c'est là aussi qu'Henri IV, protestant, allât abjurer en 1593 dans l'espoir de conquérir plus facilement la couronne de France (son fameux et probablement erronné "Paris vaut bien une messe").
Tout ça, et bien plus, je l'ai appris auprès de notre guide; nous avons eu la chance inouïe d'arriver pile à l'heure de la visite guidée, qui a duré un total de 2h30. DEUX HEURES TRENTE d'informations passionnantes sur les rois et reines françaises, que pouvais-je demander de plus?!(Profitez du résumé!! ;o)) Anthony, notre guide, était une vraie mine d'information, malgré son état quelque peu débraillé (petit manque de professionnalisme, il prend le temps de nous préciser au début de la visite qu'il revenait d'un festival de musique pas mal "rock'n roll"). Tout de même, il nous a passionné tout le long de la visite; histoire de la monarchie, de la révolution, détails architecturaux, religieux, artistiques...
Il a parlé de tout ce que j'aime, la monarchie, la généalogie des rois (il les connaît tous par coeur, wow!), la loi salique (un des sujets de mon mémoire de maîtrise, je hochais la tête d'approbation), des détails croustillants et pas toujours très ragoûtants (mais on aime tellement ça!) sur l'état des corps des monarques lorsqu'ils ont été exhumés... Eh oui, moi qui pensait comme bien des gens que la Révolution française avait sauvagement et démentiellement détruit tous les tombeaux, par un mouvement de foule incontrôlable, j'ai appris que l'exhumation avait été faite méthodiquement, corps par corps, avec annotations sur l'état de chaque tombeau, corps, squelette, etc. Procès-verbaux à l'appui - datant environ de l'époque où Marie-Antoinette a été décapitée -, notre guide nous expliquait la procédure; on exhumait les corps, prenait des notes, puis on allait jeter les restes dans une fosse commune à l'extérieur. Et pour qu'il ne reste plus rien de ces souverains qui avaient dominé le pays pendant plus d'un millier d'années, on épandait de la chaux à grandes pelletées avant de refermer les fosses. SACRILÈGE, crie en moi l'historienne monarchiste. Ça fait mal juste d'y penser. Il faut bien sûr se recadrer sur l'époque, se dire que ces gens, enfin "libres" (mais ils ne l'étaient pas vraiment davantage), avaient "raison" d'avoir envie de mettre ces icônes sur un pied d'égalité, de leur faire subir le triste sort du peuple destiné à mourir souvent dans l'anonymat, ou du moins, sans la perennité que donnait le statut de monarque.
Louis XVI et Marie-Antoinette, qui n'ont pas de gisants.
Fait intéressant, la dépouille d'Henri IV, lorsqu'on l'a sortie de son tombeau, s'était conservée presqu'intacte, 200 ans après sa mort, alors que Louis XIV était tout noirci à ce qu'il paraît (bouhou!). Le guide nous a dit que c'était peut-être parce qu'Henri IV était mort assassiné, plutôt que de maladie, et s'est vidé bien vite de son sang (coup de poignard du fou Ravaillac, rue de la Ferronnerie, près de la Place des Vosges). (Image rare, j'ai dû prendre en photo ma photocopie, n'arrivant pas à la retrouver sur internet, et ne l'ayant jamais vu lors de mes recherches!)
En 1793, les monuments funéraires ont tous été mis au musée, doucement et avec soin, plutôt que violemment comme on le laisse souvent entendre (pourquoi? parce qu'ailleurs ça s'était passé comme ça, ou pour mettre l'emphase sur la joie et la violence qui régnaient pendant cet abolissement de la monarchie?). Lors de la Restauration de la monarchie, après la chute de Napoléon, on a creusé, repris les os, on les a ramené dans la basilique dans 5 cercueils (pour environ 150 corps à l'origine!!!), et les monuments ont été ramenés des musées avec leurs orants (figures en position de prière) et leurs gisants (les statues des morts entrain de souffrir et se tordre de douleur... très à la mode à l'époque! Quand on dit qu'ils n'avaient pas le même rapport à la mort que nous aujourd'hui...).
Monument funéraire d'Henri II et Catherine de Médicis...on remarque que Catherine s'est fait représentée au même âge qu'Henri II, alors qu'elle est morte bien après lui.
J'ai vu les monuments funéraires de François Ier et sa femme, Henri II et Catherine de Médicis, Louis XVI et Marie-Antoinette, et tout plein des héros des romans "Les rois maudits", Philippe le Bel, Mahaut, Louis X, Charles IV, Philippe V, Robert II d'Artois (fils de Mahaut), etc... quel dommage que Guillaume, à ce moment-là, n'avait rien lu encore des Rois Maudits!! Il s'est bien repris par contre, puisqu'il a lu la saga au complet pendant notre voyage (livres de poche parfaits). Et moi aussi d'ailleurs, tant qu'à acheter et transporter des livres, on maximisait nos achats en les lisant tous les 2, à un roman de décalage!
J'ai vu aussi une plaque de marbre qui m'a particulièrement touchée. Elle concernait Marie de Médicis, une des deux reines que j'ai étudié pendant 2 ans, lors de ma maîtrise. Je savais qu'elle était morte exilée par son propre fils, dans le dénuement et le mépris. J'ai lu ses lettres de supplications, qui sonnaient bien souvent comme des ordres de marâtre à son fils. Mais cette plaque, posée à l'emplacement de son tombeau, reine ramenée dans son pays d'accueil une fois seulement qu'elle a été bien morte, m'a particulièrement émue sur son sort (et c'était le but, il faut le savoir). Je vous la met en citation, puisque ma photo de la plaque est quasi illisible;
Le Louvre de Paris vit éclater ma gloire:
Le nom de mon époux, d'immortelle mémoire, Est placé dans le ciel comme un astre nouveau.
Pour gendres j'eus deux rois, pour fils ce clair flambeau [Louis XIII]
Qui par mille rayons brillera dans l'histoire.
Parmi tant de grandeur (le pourrait-on croire?)
Je suis morte en exil; Cologne est mon tombeau!
Cologne, oeil des cités de la terre allemande,
Si jamais un passant curieux te demande
Le funeste récit des maux que j'ai soufferts,
Dis: ce triste cercueil chétivement enserre
La reine dont le sang coule en tout l'univers,
Qui n'eut pas en mourant un seul pouce de terre.
Cette femme, c'était une tempête. Une comploteuse, une manipulatrice. Une mère peu affectueuse, devenue veuve trop tôt pour que son fils bénéficie d'une image paternelle plus chaleureuse... Mais devenir veuve a été pour elle une révélation; de simple comploteuse et épouse chipoteuse, elle est devenue une grande conspiratrice, détenant tous les pouvoirs, grâce à son titre de régente. Son fils lui a pris le pouvoir de force, à 17 ans, en assassinant son favori, l'Italien Concini. Premier exil, retour en grâce quelques années plus tard, deuxième exil lorsqu'elle a recommencé à comploter; car cette fois elle s'attaquait à plus fort qu'elle, le cardinal de Richelieu, qui avait une emprise totale sur l'esprit du jeune roi. Cette mère partit en guerre contre son fils, monta des armées de rebelles contre l'armée royale, entraîna son deuxième fils, Gaston, dans ces guerres matricides, fraticides... mais échoua lamentablement. Reste que devant cette épitaphe, j'ai pensé à la femme ambitieuse (j'allais écrire "de tête", mais ce n'est pas tout à fait la bonne expression, elle était un peu écervelée parfois!), assoiffée et éprise du pouvoir qu'elle a détenu pendant 7 années et qu'on lui a enlevé brutalement, principalement à cause de son sexe, mais aussi à cause de ses incapacités et de ses incohérences. Catherine de Médicis, par contre - aucun lien, du moins direct, de parenté - une quarantaine d'années auparavant, aurait fait "un grand homme d'État".
La visite était tellement instructive, j'ai remercié le guide au moins 10 fois (après lui avoir pris une photocopie du croquis de la dépouille d'Henri IV, et pris le titre du livre qui recence l'état des corps, tel que noté en 1793... on peut sortir la fille du département d'Histoire, mais pas le feu de l'Histoire de la fille ;o)) (mais la désorganisation intrinsèque de la fille fait qu'elle ne sait plus où elle a mis ce précieux titre de livre)... grrr.
L'Histoire me manque maintenant... Le guide n'a même pas étudié l'histoire, il a fait l'école du Louvre un moment, mais il n'aimait pas alors il a lâché... et pourtant, il en connaît tellement, je lui donnerais sa maîtrise immédiatement, sans d'autres évaluations! (ah ces Français, bourrés de culture, ça leur sort par les oreilles!! et nous, pour atteindre leur degré de connaissances, toutes les années universitaires qu'il faut se taper!!! ;o) )
On a donc peu fait aujourd'hui (qu'est-ce que ce sera comme texte quand j'aurai eu une journée mouvementée!), mais mon âme d'historienne est comblée... On va essayer d'en faire plus demain, Guillaume va voir son ami Gaël ce soir, moi je resterai ici tranquille à jaser avec Bertrand et ses colocs, pour me remettre de ma journée...épuisée mais heureuse ;o)
2 commentaires:
Quelle chance oui de tomber sur ce guide érudit qui a rencontré une historienne avide de savoir et de voir!
Je parie que tu étais une des seule-à part Guillaume- du groupe à poser autant de questions :)
@ Beo: Oh oui, quelle chance, c'est vrai! Un gars d'à peine 25 ou 26 ans, qui en savait sur tant de choses, c'était très impressionnant!
Guillaume est aussi très curieux, mais il est assurément plus discret dans un groupe... Moi au contraire, je suis "la fatigante" qui pose mille questions... je veux tout savoir, et quand je suis dans cet "état"-là, impossible de me faire discrète, de réprimer en moi toutes mes questions... J'ai droit de savoir, moi aussi! Le guide est aussi là pour moi! *haahah* En fait, je fais quand même des efforts pour ne pas "monopoliser le guide", mais c'est difficile ;o)
Bonne journée!!!! ;o)
Enregistrer un commentaire