
Après avoir pris connaissance des statistiques révoltantes concernant la méconnaissance historique de notre population, il a fallu que je partage cela avec mon amoureux, qui je le savais, s'indignerait autant que moi. À deux, nous avons constaté qu'un TROP GRAND pourcentage de Québécois vivaient dans l'hébétitude totale quand on leur parlait des dates fondatrices de notre Histoire.
Je reviens de la France, où, sans avoir un savoir parfait et absolu, les gens semblent avoir assimilé davantage d'informations sur leur passé que nous ne l'avons fait. Quelques années charnières, 1515 (Marignan), 1789 (la Révolution Française), 1799-1815 (Napoléon), les deux grandes guerres, et évidemment, j'en passe car je ne connais pas le cursus français et je ne sais pas à quel point ils mettent l'emphase sur les règnes des rois, les années des 5 républiques, etc.
Chez nous non plus, on en a pas des tonnes à retenir. Disons que 1492 (Colomb), 1534 (Cartier), 1759 (la défaite des plaines d'Abraham) pourraient, sans suffire, aider à tout le moins les pauvres Québécois à se rappeler d'où ils viennent et ce qu'ils font sur ce continent plutôt que sur l'autre. On pourrait y ajouter la révolte des Patriotes (hey, une chance qu'il y a un film pour nous dire que c'est en 1837-1838!), la Confédération qui crée officiellement le Canada en 1867, puis on fait le voeu pieux que tous pourront dire que la 1ere guerre mondiale est de 1914-1918, le crash boursier en 1929, et la deuxième guerre mondiale de 1939-1945.
Bon est-ce que c'est une montée de lait d'historienne que je fais là? Je reconnais que moi-même j'avais des petits doutes sur la Confédération, de même que sur l'année de la fondation de Montréal par Maisonneuve en 1642 (je confondais avec la fondation de Trois-Rivières en 1634). Je vous invite à consulter la petite (haha!) page de Wikipédia sur le Canada, ça rafraîchit la mémoire.
Ce contre quoi je m'insurge, c'est que pour le 400e de Québec, 4% des gens pensaient qu'on commémorait la Révolution Française... faisons un calcul, 1608 plutôt que 1789, ça fait presque 200 ans de différence, NON?? 4% des gens, s'ils ont consulté 1000 personnes, ça fait 40. Eille, QUARANTE TWITS PROFONDS. D'où est-ce qu'ils sortent eux???
Et attention... 25%%%%, donc DEUX CENT CINQUANTE PERSONNES pensent que c'est l'arrivée de Jacques Cartier qu'on commémore cette année. Tabouère! Ça fait beaucoup qui ont pas retenus leurs dates!
Et presque 20% des Québécois, un CINQUIÈME de la population de la province, pensent que c'est la défaite des plaines d'Abraham qui a marqué la fondation de la ville de Québec...eille, elle était déjà là la ville, si les Anglais l'ont prise. On s'est pas battu pour un bout de plaine vide!
On dit que ce sont majoritairement les jeunes de 18 à 24 ans, les anglophones et les allophones qui ont eu le plus de difficulté à répondre aux questions concernant le 400e. Pour les anglophones, ce n'est pas trop une excuse, ils vivent ici aussi...mais, en faisant simplement une supposition (car je l'avoue, je n'en sais rien!), peut-être que leur éducation à eux, dans les écoles anglophones, a été davantage axée sur l'histoire du Canada dans son entier, alors que pour nous l'histoire du reste du Canada demeure un grand mystère (et même pour moi, après deux cours universitaires.... durant lesquels je somnolais pendant que mon prof nous parlait du développement du réseau ferroviaire à travers le Canada, en nous pitchant des chiffres sur les kilomètres de rails dans différentes villes à différentes époques...rrrrrroonffffffllleeeeeee).
Pour les allophones... s'ils sont allophones, donc peut-être pas nés ici... 1608 ne veut probablement rien dire pour eux. Ne me demandez pas les dates charnières de l'histoire d'Angleterre, à part le tranchage de tête du roi Charles Ier en 1648 (les premiers régicides, bouhouhou!), je ne pourrais dire.
Mais pour les jeunes... dammit!!!! Je veux bien croire que les cours d'Histoire au secondaire sont plates, je suis la première à le dire, je m'emmerdais profondément dans mes cours d'Histoire de secondaire 4, celui où la prof n'arrêtait pas de nous dire "les fourrures, mes amis, les fourrures!" Mais il faudrait faire quelque chose! Ya moyen de rendre l'histoire intéressante!
J'ai rencontré des profs plates, des profs endormants, des profs qui ne s'intéressaient pas aux mêmes choses que moi, des profs aussi qui avaient peur de donner des dates à leurs étudiants, pour ne pas les "traumatiser" (et ça, c'était au cégep, pas au secondaire!!).
J'ai rencontré aussi de futurs professeurs d'histoire à l'université. Ceux qui font un baccalauréat en enseignement de l'histoire au secondaire ont selon moi une bonne formation en pédagogie, mais une formation inadéquate et incomplète sur l'Histoire. On forme des pédagogues (et là je n'embarquerai pas sur la piètre qualité de leur français écrit, parce que je serai encore à chialer dans 2h), et non des historiens. Évidemment, tous les profs d'histoire du secondaire n'ont pas à savoir comment faire une analyse approfondie d'un sujet bien pointu, ni même de savoir comment construire une argumentation articulée à voix haute pour la partager avec ses confrères et consoeurs.
Ce que ça fait? Au secondaire, on se retrouve souvent avec des gens qui trippent enseignement et contact avec les jeunes esprits en plein épanouissement, mais qui ne sont pas assez "savants" dans la matière qu'ils enseignent (bacc en enseignement de l'histoire; 2 ans de pédagogie, un an d'histoire, un an de géographie...pfff). À l'université, au contraire, la majorité sont des détenteurs de doctorats et de post-doctorats en histoire, et sont donc des chercheurs, rats de bibliothèques associaux, qui sont obligés d'enseigner pour voir leurs recherches subventionnées.
Entre les deux, on a les profs du cégep, parfois libres penseurs qui en avaient marre du carcan de la petite communauté historienne universitaire et qui ont décidé de développer leur savoir en-dehors de l'université. On a ceux qui ne peuvent endurer les ados dans l'âge ingrat, et qui ont donc décidé de pousser un peu leurs études pour enseigner aux plus vieux. On a ceux qui ont pas eu les couilles de faire un doctorat (4 ans de plus, over my dead body!!!). On a ceux qui auraient voulu avoir une carrière en politique, dans les musées, dans les institutions culturelles, et qui n'ont pas trouvé parce que le Québec n'est pas très fort sur la promotion de sa culture (hey, je vous rappelle les pourcentages ci-dessus, j'espère que ça ne vous surprend pas!).
Il y a aussi ceux, et si je ne suis pas sûre d'en être, je sais que mon copain en est, qui ont eu envie de pousser la démarche historique le plus loin possible, et qui veulent maintenant partager leur passion avec les autres. Donner le goût aux jeunes de s'interroger sur leur passé, sur ceux qui étaient là avant eux, leur donner les outils pour comprendre notre monde actuel, comprendre les problématiques et les conflits internationaux par l'Histoire, ça, je trouve que c'est une belle mission. Pour ça, il faut être un minimum pédagogue, et je ne suis pas encore sûre de l'être. "Je me tâte", comme diraient les Français. Mais ceux qui ont ce don sont, je crois, le petit espoir qu'il nous reste de voir la jeune génération s'intéresser à son passé, créer des citoyens responsables et sachant ce qui se passe à l'extérieur de notre petit quotidien, des 50km carrés qui forment l'essentiel de notre vie. Les sensibiliser à l'Autre, qu'il soit passé, présent ou futur.
Voilà ce que l'historienne au fond de moi souhaite ardemment.
Alors, c'est pas beau, l'Histoire?